MALTE WOYDT

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Résident

“L’idéal du voyageur, c’est le résident, ce mi-chemin entre le touriste et le national, ce mélange d’éternité et de précarité, vivant à la frange de deux temps, entre deux urgences et qui transforme le lieu où il vit en substance composite. La résidence fait de nous des êtres inclassables, insituables qui ont un pied partout, une patrie de naissance et une patrie d’élection. On ne bouge pas et, pourtant, notre statut d’étranger ne cesse de nous déporter, délicieux cabotage mental qui est à proprement parler le plaisir du décalage. Car je suis étranger sans être métèque, je cumule les privilèges de l’identité et du déplacement, je suis un dériveur immobile qui n’est pas égaré sans être vraiment chez soi (à quoi s’opposeraient le statut de l’exilé politique chassé malgré lui de sa terre, celui de l’apatride errant de nation en nation et celui, plus rétro, du colonial fixé depuis si longtemps sous les tropiques qu’il est devenu étranger à son propre pays).”

Bruckner, Pascal / Finkielkraut, Alain: Au coin de la rue, l’aventure. Paris: Seuil 1979, S.73.

10/04

07/10/2007 (1:00) Schlagworte: FR,Lesebuch ::

Allochtone

(NL)

“Au Pays-Bas, le Bureau Central des Statistiques … [utilise] … le concept ‘allochtone’, qu’il definit comme suit: ‘toute personne qui réside aux Pays-Bas dont un des parents au moins est né à l’étranger’. Le but de ce terme étant d’établir dans quelle mesure les individus d’origine étrangère ont des chances égales. …

La Flandre a repris la définition et l’a ‘élargie’ de façon très lacunaire … :

,les personnes qui se trouvent légalement en Belgique, détentrices ou non de la nationalité belge, et qui remplissent toutes les conditions suivantes:
……………. a) au moins un des parents ou grands-parents est né en dehors de la Belgique;
……………. b) elles se trouvent dans une position désavantagée en raison de leur origine ethnique ou de leur situation socioéconomiquement faible‘. …

Présenter la position désavantagée comme inhérente à l’origine et par définition, exclure la perspective que cette position est la conséquence du racisme ou de la discrimination, nous donne là un instrument qui n’atteint pas son objectif. … La politique et le secteur d’intégration sont restées sur la conclusion que les ‘allochtones’ sont des cas difficiles. …

Le riche Americain, Japonais ou Européen qui travaille et habite ici … n’est pas – ou rarement – défini comme étant ‘allochtone’. Cette étiquette semble en premier lieu réservée au personnes aux racines marocaines, turques et congolaises. …

Ce concept est trop souvent utilisé comme passe-partout pour expliquer des comportements d’individus en terme de culture de l’allochtone’. Le comportement criminel, la surreprésentation dans les statistiques du chômage, … devient un problème culturel (ex. éthique du travail) parce que la personne concernée est ‘allochtone’. mais la discrimintion aussi est souvent réduite à des problémes avec ‘l’allochtone’ lui-même. …

Et, dés lors, il est normal de traiter l’autre ‘autrement’. Résultat: en pratique, la discrimination est légitimée et non combattue.”

aus: Ico Maly / Hatim El Sghiar: Culture allochtone? Sur le sens et le non-sens du concept ‘allochtone’ In: KVS Express, September 2006, S. 5.

08/06

06/10/2007 (23:33) Schlagworte: FR,Lesebuch ::

Amours 1

“S’aimer aujourd’hui ce n’est pas regarder ensemble dans la même direction, car les partenaires ont la vue de plus en plus basse : L’amour n’est pas aveugle, l’amour est myope ; il ne voit pas plus loin que le bout de son nez, et se refuse même, de manière presque superstitieuse, à faire des projets à trop long terme. …

Les conjoints dits modernes … répriment d’autant moins les caprices de l’amour qu’ils ne sont plus des associés, et ne dépendent pas l’un de l’autre pour assurer leur propre survie. Avec la généralisation du salariat, les couples ont cessé de se vouer à la protection et à l’agrandissement du patrimoine familial. Il suffisait, d’autre part, que les femmes accèdent en masse à l’indépendance économique pour qu’amour et toujours ne riment plus automatiquement. …

Nous vieillissons sans mûrir, car nos amours ne nous apprennent rien ; nulle éducation sentimentale ne couronne jamais leur succession confuse. …

Jadis toutes les histoires d’amour naissaient du conflit entre le couple et la collectivité; aujourd’hui c’est la figure du Désastre (maladie ou accident) qui, dans nos romances tristes, remplace celle du Conflit. Car nous avons changé de monde : une aventure sentimentale supposait trois protagonistes : Roméo, Juliette et les Autres. Seuls désormais les soupirants restent en présence. Sauf cas exceptionnel, sauf anachronisme flagrant, les Autres n’ont plus assez de puissance ou de cohésion pour s’intégrer au drame et jouer un rôle décisif dans la liaison qui se noue. …

Maintenant que l’approche amoureuse échappe à la supervision collective, l’étiquette s’est simplifiée, la drague … n’a plus qu’un destinataire. Pesait sur les amours anciennes, la cruauté des calculs familiaux; une autre cruauté préside à la drague … Le ‘non‘ qu’ils subissent est d’autant plus cuisant qu’ils ne peuvent s’en décharger sur une instance extérieur. …

Personne ne nous force à rester chez nous, notre séjour n’y est pas répressif, mais quotidien – dicté simultanément par le plaisir d’être avec qui l’on aime, par la fatigue, le confort, la peur frileuse du crime et du dehors, la nuit, ou même le charme insidieux de la télévision. Ce sont des forces hétérogènes qui ont promu le chez-soi au centre de notre vie. Il reste qu’un jour, peut-être, on ne dira plus vie conjugale, car cette expression fera pléonasme.”

aus: Bruckner, Pascal / Finkielkraut, Alain: Au coin de la rue, l’aventure. Paris: Seuil 1979, S.87-93.

Abb.: Yanuar Ikhsan P: Amorfati, 2019, indoartnow, im Internet.

10/04

05/10/2007 (0:20) Schlagworte: FR,Lesebuch ::

Wagons Corail

“A quoi sert la suppression du compartiment au profit de la voiture à couloir central? A corriger la pagaille des secondes classes lorsqu’elles sont pleines, les aligner sur la calme ordonnance des premières ; …

Les anciens wagons formaient un champ clos de circulation intense, de menues pérégrinations entre couloirs et compartiments … Cette errance minuscule, le chemin de fer coralien ne la tolère même plus puisqu’il fait asseoir tout le monde (la station debout y est pratiquement impossible), et transforme le corridor en simple canal de va-et-vient fonctionnels. Désormais il ne peut y avoir désordre que deux fois : à la montée et à la descente.

Vous voici, pour ainsi dire, contraint à votre voisinage : si vous avez choisi la mauvaise travée, réservé le mauvais numéro, vous n’avez aucun moyen d’évasion. A quoi s’ajoutent la climatisation, l’interdit fait aux voyageurs d’ouvrir ls fenêtres, l’obligation d’endurer la même température pulsée à la même force, l’impossible de connaître les variations de l’aire et le risque, intolérable mais fréquent, d’étouffer de chaleur en cas de panne, l’été. …

Lorsque le fauteuil individuel remplace la banquette et les contacts indécents, on met fin à ce qu’il y avait d’hasardeux et d’intimidant dans le face à face; … on limite les rencontres à n’être que des bavardages, des sortes d’échappées latérales avec son voisin de gauche ou de droite, puisque la disposition même de la rangée vous interdit de parler à plus d’une ou deux personnes à la fois. … les regards ne s’affrontent plus, les usagers sont sérialisés, proches les uns des autres mais d’une proximité close qui les enferme chacun dans son exil intérieur. …

Les passagers ne se voient pas (ou alors il faut qu’ils se lèvent), mais l’hôtesse, le contrôleur, le steward, d’un seul coup d’oeil, les voit tous. … La lutte finale se jouera autour des lavabos. … De fait les voyageurs n’existent plus : ne restent que des clients. …

Auparavant la longueur des parcours contraignait les gens à se rassembler, rire, parler, chanter, chacun se transformant peu ou prou en conteur, poète, compositeur. A quoi bon désormais si une main diligente, en disposant les sièges vous épargne le pénible devoir de bouger et de vous adresser à vos voisins. … On fonctionnalise à ce point l’environnement du passager que celui-ci n’a plus qu’un désir : que ça aboutisse au plus vite. …

La malaise du transport est aussi le malaise d’un espace et d’un temps vide de tout agrément d’où résulte que le voyageur continue à percevoir la distance comme une tyrannie.”

aus: Bruckner, Pascal / Finkielkraut, Alain: Au coin de la rue, l’aventure. Paris: Seuil 1979, S.127-131.

10/04

05/10/2007 (0:14) Schlagworte: FR,Lesebuch ::
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