MALTE WOYDT

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Rêve américain

“Les Américains croient en la réalité de la ‘race’ en tant que caractéristique définie et incontestable du monde naturel. … Voilà l’idée nouvelle qui fonde ce nouveau peuple, qui a été conduit à croire, contre toute évidence et de manière tragique, qu’il est blanc. … Avant d’être blancs, ces gens nouveaux étaient autre chose – ils étaient catholiques, corses, gallois, mennonites, juifs …

L’Amérique se croit exeptionnelle, elles se voit comme la nation la plus grande et la plus noble qui ait jamais existé. … ‘L’Amérique blanche’ est une sorte de syndicat, déployé pour protéger son pouvoir exclusif de dominance et de contrôle sur nos corps…

Le Rêve prospère sur la généralisation, sur la limitation du nombre des questions possibles, sur la préférence pour les réponses immediates. Le Rêve est l’ennemi de tout art, de toute pensée courageuse et de toute écriture honnête. …

La police est le reflet de l’Amérique, dans tous ses fantasmes et toutes ses peurs. … Les abus … sont des produits d’une volonté démocratique … Le problème, avec la police, n’est pas qu’elle est constituée de porcs fascistes, mais que notre pays est dirigé par des porcs majoritaires. … Les gens qui se croient blancs sont obsédés, politiquement, par l’idée d’absolution individuelle. … Il n’y a pas des racistes en Amérique ; ou, en tout cas, les gens qui ont besoin d’être blancs n’en connaissent aucun à titre personnel. …

‘Pour faire le mal, un être humain doit croire tout d’abord que ce qu’il fait est bon, ou bien que c’est un acte mûrement réfléchi et conforme aux lois naturelles.’ [Soljenitsyne] C’est le fondement du Rêve – ceux qui y adhèrent ne doivent pas de contenter d’y croire, ils doivent aussi croire qu’il est juste, que le fait qu’ils jouissent du Rêve n’est que le résultat naturel de leur courage, de leur honneur et de leurs bonnes oeuvres. … Le courage qu’il faut pour détourner les yeux devant l’horreur de notre système carcéral, devant ces forces de police transformées en armées, devant la longue guerre menée contre le corps noir, ne se forge pas en une nuit. C’est le résultat d’une habitude longuement répétée, celle de s’arracher les yeux et d’oublier l’oeuvre de ses propres mains. Reconnaître l’existence de ces horreurs, ce serait divorcer de la version lumineuse du pays tel qu’il s’est toujours présenté, pour se tourner vers quelque chose de plus trouble et d’inconnu. C’est encore trop difficile pour la plupart des Américains. …

La réunification américaine s’est construite sur un récit confortable qui faisait de l’esclavage une forme de bienveillance et transformatoit les voleurs de corps en chevaliers blancs, et considérait le massacre de masse propre à la guerre comme une sorte d’épreuve sportive dont on pouvait dire que les deux camps avaient conduit leurs affaires avec courage, honneur et panache. Ce mensonge de la guerre de Sécession est le mensonge de l’innocence; c’est le Rêve. Ce Rêve, ce sont les historiens qui l’ont fait apparaître. Hollywood l’a renforcé. Le Rêve a été eluminé d’or par les romans et les récits d’aventures. … En Amérique, la destruction du corps nour est une tradition – un héritage. …

Vivre parmi les Rêveurs est un fardeau, et … c’est un fardeau supplémentaire que d’entendre ton pays t’expliquer que le Rêve est juste, noble, réel, et que tu es fou d’y voir de la corruption et d’y sentir l’odeur du soufre. …

Les Rêveurs citent Marin Luther King et prêchent la non-violence pour le faible et les plus grosses armes possibles pour le fort. A chaque fois qu’un policier nous interpelle, la mort, la blessure, la mutilation sont possibles. … Les Rêveurs estiment que c’est le prix à payer pour continuer le business, ils prennent nos corps pour une monnaie, c’est une habitude chez eux … [Le] système carcérale tentaculaire … a fait de l’entreposage des corps noirs une source d’emplois et un investissement lucratif pour les Rêveurs ; nos corps financent encore et toujours le Rêve d’être blanc. La vie noire ne vaut pas cher, mais en Amérique les corps noirs sont une ressource naturelle d’une valeur incomparable. …

L’oubli est une habitude, c’est un autre composant nécessaire du Rêve. Ils ont oublié l’ampleur du vol qui les a enrichis grâce à l’esclavage ; la terreur qui leur a permis, pendant un siècle, de bourrer les urnes ; la politique ségrégationniste qui leur a offert leurs belles banlieues. Ils ont oublié, parce que se souvenir les éjecterait hors du Rêve et les forcerait à vivre avec nous, ici-bas, dans le monde. Je suis convaincu que les Rêveurs, au moins les Rêveurs d’aujourd’hui, préféraient vivre blancs que vivre libres. … Les réveiller, c’est leur apprendre qu’ils forment un empire d’êtres humains … construit sur la destruction du corps. C’est souiller leur belle noblesse, en faire des gens vulnérables, faillibles, cassables. …

Nous sommes en captivité, mon frère, encerclés par les bandits majoritaires de l’Amérique. … Tu ne peux pas organiser ta vie autour d’eux, ni autour de ce mince espoir de voir un jour les Rêveurs prendre conscience. Notre marge de manoeuvre est trop étroite. Nos corps sont trop précieux. Tu es là, ici et maintenant, et tu dois vivre. …

Les Rêveurs … ont fait de nous une race. Nous avons fait de nous-mêmes un peuple. … Nous avons créé un foyer … comme le font les Noirs dans leurs réunions de famille où on les considère comme les survivants d’une catastrophe. …

Si les Rêveurs devraient récolter ce qu’ils avaient semé, nous le récolterions avec eux. Le pillage a mûri, il est devenu une habitude, une addiction ; les gens qui avaient concu l’entreprise mécanique de mise à mort dans les ghettos, le viol de masse dans les prisons privées, et leur propre capacite à l’oubli, ces gens devaient forcement continuer à piller. …

C’est l’exode des classes moyennes blanches, leur fuite le plus loin possible de nous, qui les a fait envahir la campagne pour y tracer leurs banlieus au cordeau. Et pour se déplacer … dans toute cette étendue, il y a l’automobile, ce noeud coulant passé autour du cou de la terre, et a bout du compte, des Rêveurs eux-mêmes. … Les Rêveurs devront apprendre à lutter eux-mêmes, à comprendre que le terrain de leur Rêve, la scène aur laquelle ils se sont peinturlurés en blanc, est notre lit de mort à tous. Le Rêve, c’est cette mauvaise habitude qui met la planète en danger, cette mauvaise habitude qui entasse nos corps dans des prisons et des ghettos.”

aus: Ta-Nehisi Coates: Une colère noire. o.O.: Autrement 2015 (US-Amer. Orig.-Ausg. “Between the World and me” 2015), S. 25, 26, 62, 70, 101, 121, 122, 126, 129, 130, 155/56, 166/67, 170, 173, 175.

09/25

17/09/2025 (22:27) Schlagworte: FR,Lesebuch ::

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